L’Opticassou : une barque pour que vive et perdure la voile latine

A mi-chemin entre l’Optimist et le cassou (cette barque traditionnelle à fond plat des étangs), l’OPTICASSOU est conçu pour l’apprentissage par les jeunes de la voile latine. Pour que vive cette pratique ancestrale de la voile en Méditerranée.

Nul n’est insensible à la vue d’une barque équipée d’une voile latine. Avec leurs couleurs vives et leur voile triangulaire gréée sur l’antenne, elles tracent de beaux sillages dans le golfe du Lion. Elles représentent aussi tout un imaginaire collectif : quand elles passent, c’est la Méditerranée toute entière et son histoire maritime qui défilent sous nos yeux.

Après avoir failli disparaitre dans les années soixante où on les brulait sur les plages, elles sont désormais amoureusement restaurées par des passionnés. Mais leur maniement requiert une technique et des connaissances particulières qui ne peuvent se transmettre que par la pratique. Or, il n’existait pas de bateau adapté aux enfants et adolescents permettant leur apprentissage. Cette lacune est désormais comblée grâce à l’Opticassou.

Saint-Laurent-de-la-Salanque, à quelques encablures de l’étang de Salses. C’est dans une vieille et belle bâtisse tout en pierres au centre du village que nous reçoit Ossian Bataille. C’est là, entre ces murs de caractère mis à disposition par la municipalité que sont réalisés ces bateaux. Au rez-de-chaussée, c’est un joyeux bric-à-brac d’outils et d’ustensiles divers et variés qui occupe l’espace. Au fond de la pièce, trois Opticassous sont empilés.

« Ceux-là sont d’ancienne génération », explique Ossian.

Ils ont été conçus par son père qui eut le premier cette idée il y a déjà quelques années. L’escalier nous mène au premier étage où se situe l’atelier. Là tout est en ordre et l’espace suffisant pour y travailler. Les murs en pierre de l’ancienne bâtisse donnent au lieu un cachet supplémentaire ; on se dit que d’ici ne peuvent sortir que de belles choses. Plusieurs bateaux sont en chantier.

Ossian dans l’atelier

« Quand j’en commence un, je fais en général une petite série ; je découpe plusieurs fois la même pièce : ça optimise les gestes et le temps à y passer. »

Et Ossian de nous montrer la plaque martyr sur laquelle sont tracés les gabarits, la défonceuse, les lames de contreplaqué de 8 mm d’épaisseur, compromis permettant d’assurer une bonne solidité, mais un poids total inférieur à 50 kg. Le mat est incliné sur l’avant, à la catalane (et non pas vertical comme en Provence) ; quant aux antennes, elles sont généralement en châtaignier.

Plusieurs Opticassous sont en construction, à divers stades d’avancement. Ossian nous désigne les joints et assemblages traités à l’époxy pour assurer l’étanchéité. Une semaine est nécessaire pour construire un bateau, sans compter la peinture. Une trappe a été astucieusement installée dans le plancher : une fois ouverte, les bateaux sont descendus au rez-de-chaussée par un palan électrique.

Opticassou, c’est en fait une association à but non lucratif montée il y a trois ans. Rapidement, un partenariat est mis en place avec le collège de Saint-Laurent-de-la-Salanque, avec l’amical concours de Richard Cassoly, professeur de technologie au collège et par ailleurs patron de Notre-Dame-de-Consolation, barque catalane classée monument historique. L’idée est de familiariser les élèves avec le travail du bois, de leur donner le goût du respect pour le bateau, d’en faire des acteurs plutôt que des consommateurs. Les jeunes du collège participent donc à la finition et se chargent de la peinture. Ensuite, ils peuvent aller naviguer sur l’étang de Salses tout proche et se familiariser avec le maniement de la voile latine.

A ce jour, une douzaine d’unités ont été fabriquées ; on les trouve sur l’étang de Salses à La Fount del Port, à Leucate, mais aussi à Sanary dans le Var. Une commande est en cours pour Salon-de-Provence, preuve que les Opticassous ne se limitent pas aux côtes languedociennes et catalanes. Il faut dire qu’Ossian et ses amis sont présents sur de nombreuses manifestations sur tout le littoral pour promouvoir l’association. Pour cela, des cabanes de pêcheurs en roseaux sont reconstituées et servent de stand. Bref, ce ne sont ni les idées, ni l’énergie qui manquent.

Un stand lors d’un rassemblement (photo Opticassou)

Ossian est né dans la région et la mer a toujours été présente dans sa vie. Sa passion des vieux gréements lui a été transmise par son père, Robert Bataille, qui en 1972, acheta le pailebot Miguel Caldentey pour le conduire en France (voir article du blog de novembre 2019). Titulaire d’un bac en architecture, Ossian après des études en Génie Civil décide de se former à la charpenterie marine et va suivre une formation à Cherbourg. De retour dans la région, il constate que la moyenne d’âge des équipages de barques catalanes est assez élevée ; d’où l’idée d’un bateau adapté aux jeunes pour faciliter leur apprentissage. Il emprunte 1000 € à un ami et construit le premier Opticassou. C’est plus facile de convaincre des partenaires quand on a déjà quelque chose à leur montrer.

La suite, vous la connaissez : le bâtiment mis à disposition par la mairie, le partenariat avec le collège, la reconnaissance des professionnels, des commandes au-delà de la région et par-dessus tout les sourires des gamins à la barre de leur bateau.

Mais Ossian a déjà d’autres projets ; il travaille aussi en ce moment dans la zone technique de Leucate à la rénovation de Courtisane, une belle goélette de 1906 de 20 mètres de longueur de pont. Le principe serait d’y embarquer plusieurs Opticassous et d’utiliser la goélette comme bateau comité, en une sorte d’école de voile itinérante sur nos côtes méditerranéennes. Encore une belle idée.

Courtisane

Bref, si l’on parvient à intéresser les enfants à la voile latine dans les années à venir, l’Opticassou y sera certainement pour beaucoup.

Photo Opticassou

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