Jade, 21 ans, de Gruissan à Carthagène en hiver en voilier

C’est un entrefilet aperçu sur le net qui m’a alerté : une étudiante toulousaine de 21 ans allait rejoindre en voilier son université à Carthagène pour y effectuer son deuxième semestre. Elle devait pour cela partir de Gruissan début janvier. Fichtre ! Partir en mer en hiver pour un périple de 800 km, la demoiselle n’avait visiblement pas froid aux yeux.

Rendez-vous pris, je la retrouvais en cette fin décembre sur le ponton C du bassin 2 à Gruissan. Ponton que je connais bien pour y avoir tourné mes amarres pendant une dizaine d’années. Avec un grand sourire, Jade nous accueille sur son bateau, CARPE DIEM, un Conati 31 de 1979 (le 18ème de la série annonce t’elle fièrement) acquis l’été dernier.

Jade devant CARPE DIEM

Jade est étudiante en 4ème année d’école d’ingénieur à Toulouse, spécialité génie civil et géosciences. Elle découvre la voile il y a deux ans seulement, mais elle est conquise immédiatement par la sensation de liberté qu’elle ressent sur l’eau. A partir de là, tout s’enchaine très vite. Elle se fait embaucher pour un job d’été à la capitainerie de Gruissan et conforte ainsi ses connaissances du monde de la mer. Cela lui permet aussi d’approcher des plaisanciers et de faire des sorties avec eux. Elle participe ensuite à des régates organisées par les yachts clubs de Gruissan et du Cap d’Agde. Au printemps dernier, lorsqu’elle décide de faire son 2ème semestre d’étude à Carthagène, l’idée d’y aller en voilier s’impose peu à peu. En juillet, elle achète son bateau et s’y installe deux mois tout en travaillant à la capitainerie de Valras. Elle multiplie les sorties les jours où elle est libre et aménage le bateau.

Le trajet prévu

A la rentrée de septembre, elle multiplie les allers retours entre Toulouse et Gruissan où son bateau est désormais amarré. Entretemps, elle peaufine son voyage, trouve quelques sponsors, contacte des écoles élémentaires pour partager avec les élèves l’expérience de son périple, puis une fois sur place des éléments de la culture espagnole.

Son site internet présente son projet : sensibiliser le public à l’environnement et au développement durable, mettre ses idées en pratique au travers de cette expérience, faire découvrir le monde de la voile, valoriser la place de la femme à la fois dans le domaine scientifique mais aussi dans le nautisme.

Plus tard, Jade compte exercer son métier d’ingénieur génie civil dans le monde maritime. Entre éolien flottant et adaptation de notre littoral au recul du trait de côte, les projets ne manquent pas dans la région.

Retour à Gruissan le vendredi 6 janvier. Il est huit heures et les premières lueurs de l’aube éclairent le quai qui borde la zone technique où un petit groupe se forme au gré des arrivées. Doudounes, bonnets et écharpes sont de sortie pour les courageux qui, bravant la température hivernale sont venus souhaiter bon voyage à Jade et à son compagnon qui va l’accompagner jusqu’à Carthagène. Jade arrive, détendue mais concentrée, salue les uns et les autres : famille, collègues de la capitainerie, personnels de la zone technique, plaisanciers. Photos souvenirs, démarrage du moteur, amarres larguées, c’est parti pour un périple de dix à quinze jours en mer.

Je file en voiture à la sortie de l’avant-port. CARPE DIEM y pointe bientôt son étrave, passe les jetées et se retrouve enfin en mer. Un petit Cers (vent de nord-ouest) de 10 à 15 nœuds souffle gentiment. Idéal pour un trajet au portant. Jade à la barre oriente son bateau face au vent pour hisser la grand-voile. Apparemment, cela coince à mi-course. Qu’à cela ne tienne, le mât étant équipé de marches, Jonathan se hisse là-haut et résout le problème.

CARPE DIEM peut alors filer plein sud vers le cap Béar que l’on aperçoit au loin, à 35 milles d’ici.

Le départ, dans les couleurs du soleil levant

Le trajet va durer quinze jours : treize à naviguer et deux passés au port pour soigner une grosse crève et laisser passer un épisode météo défavorable. Il totalisera une distance totale parcourue de 570 milles nautiques, soit 1.055 km. La moyenne quotidienne sera de 45 milles, la distance la plus longue (70 MN) étant parcourue lors de la dernière étape.

Cabo Negro (photo Jade)

Jade et Jonathan ont fait escale dans des ports chaque soir, les conditions hivernales (température, météo, longueur des nuits en hiver) permettant difficilement des navigations nocturnes.

Escale à Denia (photo Jade)

Jointe au téléphone quelques jours après son arrivée, Jade me confie que ce fut une expérience fabuleuse. Elle a découvert l’humilité devant les éléments, notamment lors des coups de vents rencontrés au niveau des caps Begur et Cabo Negro. « Ce n’est pas toi qui joues avec la mer, c’est la mer qui joue avec toi ».  Elle a aussi appris à gérer la fatigue, la faim, le froid, le mental sur de longues navigations. Elle en ressort confortée par sa passion pour la mer et la voile. « J’ai découvert beaucoup d’aspects que je ne connaissais pas ». Sur la navigation, mais aussi sur elle-même assurément.

Des conditions parfois musclées (photo Jade)

Au cours du trajet, elle a communiqué comme prévu avec des élèves d’une école élémentaire avec des vidéos réalisées le soir à l’escale.

Son arrivée à Carthagène s’est bien passée. C’est une belle ville, chargée d’histoire, entourée de montagnes qu’elle compte parcourir en randonnée. Son intégration à la faculté s’est déroulée sans problème ; il y a beaucoup d’étudiants étrangers comme elle et elle m’indique adorer ce contexte international et multiculturel.

La rade de Carthagène (photo Jade)

Enfin, elle va vivre six mois sur son voilier, indépendante pour la première fois. Au cours des mois à venir, elle prévoit quelques navigations à la journée, puis ce sera le temps du retour à Gruissan qu’elle accomplira seule cette fois, au mois de juillet.

Par les temps qui courent, son sourire, son énergie, son enthousiasme, ses engagements font plaisir à voir.

Et comme cet article est publié le 7 février, bon anniversaire, Jade !

Pour aller plus loin, son site internet : https://vivre-agir-decouvrir.com/


5 réflexions sur “Jade, 21 ans, de Gruissan à Carthagène en hiver en voilier

  1. L’énergie, la volonté et le courage de cette jeune femme font un bien fou ! J’adoptais une tortue suite à un reportage, là, je remonte sur un voilier !!! Bravo !

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