Escapade autour de l’étang de Bages et de Sigean

L’étang de Bages et de Sigean est une véritable petite mer intérieure, avec ses villages, ses ports, son fleuve et son delta, ses îles…Il réserve de belles surprises pour qui sait flâner et se perdre sur ses chemins qui ne mènent nulle part. C’est aussi le monde étrange de l’entre-deux, mi-liquide mi-solide, avec son eau ni douce, ni salée, mais saumâtre. Bienvenu dans un monde hors du temps.

Départ de Port-la-Nouvelle pour une première halte à Sigean et une promenade à l’ombre des arcades où les anciens prennent le frais lors des soirées d’été. De là, une route sinueuse conduit à Port-Mahon. Tout près de l’école de voile, une jetée médiévale encore visible rappelle que ce lieu fut aussi un débarcadère, avant même la conquête romaine. Revenons en arrière, lentement, pour profiter de l’anse de l’Olivier, seuls entre vignes, pinèdes et marais.

Un peu plus loin, la Berre, fleuve côtier de 36 kilomètres, se jette dans l’étang par un petit delta. Les alluvions apportées par le cours d’eau ont rattaché à la rive la colline des Oulous, qui est pourtant encore une île sur les cartes d’état-major du début du XXe siècle. L’estuaire est le paradis des pêcheurs, de quelques familles en quête de tranquillité et des moustiques !

2004-09-18 Etang de Bages 052Estuaire de la Berre

Blotti en retrait de l’étang, face à l’ancienne saline, Peyriac-de-Mer repose tranquillement. Enchâssé dans un mur du vieux village, un bas-relief roman représente saint Paul Serge dans sa barque. À quelques centaines de mètres du village, le port permet d’abriter quelques bettes, ces barques à fond plat typiques des étangs.

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Il faut flâner autour de Peyriac, se balader dans l’ancienne saline, suivre ces chemins qui mènent à l’étang du Doul au taux de salinité particulièrement élevé. Les plus courageux monteront sur le roc de Berrière qui offre un point de vue superbe sur la lagune.

 

 

 

 

Passée la route qui serpente un moment entre les étangs, sautant d’un îlot à l’autre et déjà se profile Bages debout sur son éperon qui domine l’étang. Près du port de pêche, filets et pantanes sèchent au soleil, doucement balancés par le vent. De l’autre côté de la rue, la porte entrouverte d’un garage découvre parfois tout un bric-à-brac de matériel de pêche : nasses, moteur hors-bord, piquets, partègues, ces longues tiges sur lesquelles on pousse pour propulser la bette sur l’étang. Souvent, un pêcheur assis au soleil remaille un filet. C’est ici, devant l’étang, que le caractère maritime du village s’exprime pleinement.

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Un peu après la sortie du village, une piste permet de rejoindre Port-la-Nautique en longeant au plus près le plan d’eau. Avec un peu de chance, on observera une compagnie de flamants roses cherchant sa nourriture dans la vase du marais. Contournons la pointe nord de l’étang de Bages, au nom évocateur d’Anse des Galères. Cette appellation nous rappelle la construction de cinq galères en ce lieu en 1319. Aujourd’hui, plus de coups de marteaux. Le silence est accueillant pour les compagnies de flamants roses qui se posent souvent ici.

 

Un peu plus loin, voici Port-la-Nautique. Une pinède, quelques maisons et un petit port d’étang, familial et convivial comme je les aime. Ici, pas de grosses unités (tirant d’eau oblige) mais des bateaux de 5 à 7 mètres (dériveurs conseillés). Sur un ponton, une dizaine de vieux gréements (bettes, catalanes) rappellent l’attachement des nauticards à la tradition maritime.

DSCN0498Port-La-Nautique

Il est vrai que la Société Nautique de Narbonne, qui gère ce lieu (situé sur l’ancien avant-port de la Narbonne romaine) est née en 1907. C’est une centenaire très vivace qui en a vu défiler, des bateaux.

barque

Aujourd’hui, ceux qui déambulent le long des pontons s’occupent amoureusement de leur bateau ou passent simplement de longs moments à regarder la lumière changer sur l’étang.

Port-la-Nautique peut être un point de départ pour les îles de l’étang. Celles-ci, accessibles en bateau uniquement (mais, me direz-vous, c’est le propre des îles), comptent assurément parmi les lieux les plus beaux de la lagune.

 

 

Port-La-Nautique aux débuts de la plaisance

Planasse est une bande de terre dépassant à peine de l’eau. Un peu plus loin, face à Peyriac-de-Mer, se dresse l’île du Soulier, petit caillou émergeant de l’étang.

L’Aute, face à Port-Mahon, est beaucoup plus vaste. À peine débarqué, on traverse une pinède pour accéder à une ancienne métairie. Un sentier permet de traverser l’île et mène au sommet, à 57 mètres de haut. De là, un paysage grandiose s’ouvre au promeneur. Toute la lagune est là, sur 360 degrés. Bages, Peyriac-de-Mer, la Berre, les îles ; plus loin la Clape, l’île Saint-Martin, l’étang de l’Ayrolle derrière le canal de la Robine et enfin au loin, la mer. C’est l’âme du littoral languedocien qui s’expose, des pins tordus par le vent aux collines couvertes de vignes, des salins aux plages infinies du bord de mer.

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l'Aute - juin 04 017

 

 

 

 

 

 

Bateau au mouillage à Planasse

Ci-contre, du haut de l’île de l’Aute

 

Un peu plus loScan10021in, nous voilà au canal des Romains, nom issu de la tradition populaire. En réalité, il daterait du Moyen Âge ; long de 270 mètres pour le quai nord, un peu moins pour la jetée sud, il constitue à ce jour le témoignage le plus conséquent du passé maritime de la lagune. Situé juste au nord de l’île Sainte-Lucie, il avait été construit pour faciliter le trajet vers la mer. C’est un vrai bonheur de pénétrer aujourd’hui en bateau dans ce canal, comme l’ont fait avant nous tant de navires venant eux de si loin !

 

 

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Canal des Romains depuis Sainte-Lucie

Enfin, en poursuivant encore un peu, on aperçoit bientôt un petit îlot au ras de l’eau. C’est l’île de la Nadière. Difficile d’accès par la terre depuis que la passerelle qui la reliait au continent a disparu, la barque est donc le meilleur moyen de l’approcher. Une dizaine de maisons sont encore debout, défiant le cers et le marin. Ici, pendant près de deux cents ans, a habité une communauté de pêcheurs.

En fait, depuis des siècles, des pêcheurs (notamment gruissanais) avaient l’habitude d’y venir le temps d’une campagne. Mais à partir du XVIIIe siècle, un habitat permanent s’y développe. Et c’est jusqu’à deux cents personnes qui vivront là. Survivre serait d’ailleurs un terme plus approprié tant les conditions de vie apparaissent aujourd’hui d’une incroyable précarité. Pas d’eau courante : il fallait aller la chercher en barque ou recueillir l’eau de pluie. Par fort vent marin, quand le niveau de l’étang montait, les eaux envahissaient les maisons et tout ce petit peuple devait aller se réfugier à Port-la-Nouvelle chez la famille ou les amis. Il reste de ce temps les témoignages recueillis : les travaux d’Anne Laurent, qui a beaucoup exploré ce sujet, ont inspiré le très beau film de Jean-Michel Martinat réalisé pour le compte du Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée. Comme un hommage à ces existences faites de grandeur et de simplicité.

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La Nadière depuis Sainte-Lucie

A suivre…[publication en Octobre]


 

 

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