Sitôt passé l’Orb s’étend une grande plage sauvage jusqu’à Sérignan-Plage : les Orpellières.

Sur plusieurs kilomètres, c’est le domaine du sable et des bois flottés charriés par le fleuve voisin. Un cordon dunaire haut de quelques mètres délimite la plage et protège une zone basse marécageuse où prospèrent saladelles et salicornes qui rouillent en automne, imitant les vignes. Sous l’égide du Conservatoire du Littoral, cette dune, qui s’érodait lentement, est aujourd’hui stabilisée. Les ganivelles et les plantations d’oyats l’ont désormais consolidée.
Cette plage non surveillée n’est accessible qu’après quelques centaines de mètres de marche ; d’où une fréquentation plus faible qu’ailleurs en été, et une certaine mélancolie quand septembre la couvre de ses couleurs douces.
En poursuivant vers l’est, déjà Agde se profile. En bateau, c’est d’abord le mont Saint-Loup que l’on aperçoit en premier. Puis le fort de Brescou se détache sur son îlot, et enfin les détails du cap lui-même deviennent de plus en plus nets. Agde, ce n’est pas une halte ordinaire. C’est d’abord le site portuaire le plus ancien de l’ensemble de notre littoral. Alors, abordons-le avec tout le

respect dû à son rang. Mais par où commencer ? Car Agde, ce sont trois lieux bien distincts, et donc trois histoires. Procédons donc chronologiquement et, pour remonter le cours de l’histoire, remontons celui du fleuve pour atteindre la vieille ville, avec ses ruelles étroites et bordées de maisons en pierre noire basaltique, caractéristique de la vieille cité phocéenne.
En cheminant le long de l’Hérault, passons d’abord devant la cathédrale avant de suivre le quai du Commandant Mages. Des restaurants se sont installés là où jadis s’amarraient les grands voiliers de commerce ; les bittes d’amarrage (elles aussi en pierre basaltique) et les gros anneaux scellés dans les murs s’en souviennent. Encore quelques pas et voici la place de la Marine. Typiquement méditerranéen, cet ancien marché aux poissons a gardé tout son caractère. Suivons la rue des Poissonniers, ancien quartier des pêcheurs resté populaire, pour pénétrer au cœur de l’antique cité.

Voici à présent la statue de Claude Terrisse, corsaire des rois Louis XIII et Louis XIV, né à Agde en 1598. Très jeune, il obtient une lettre de mission l’autorisant à faire la course. Dès lors, il parcourt le golfe du Lion pour le protéger des pirates. Après une carrière toute de plaies et de bosses et un grade de commandant de vaisseau, il se retirera à Agde, traitant d’affaires publiques et occupant l’office de premier consul.
Reprenons le cours de l’Hérault pour nous arrêter au Grau, le deuxième pôle de l’agglomération agathoise, et qui n’est en fait habité que depuis peu de temps.

Un corps de garde y fut installé en 1721. Quatre ans plus tard commencent les travaux d’endiguement du fleuve. Quelques années après, une chaîne permettant de barrer l’entrée du cours d’eau est mise en place. Au XVIIIe siècle suivent un poste de douane et une station de pilotage, disposant d’une chaloupe pour guider les navires dans le cours capricieux du fleuve. Au XIXe siècle, la commune encourage l’installation d’un habitat permanent au grau : d’une part pour les pêcheurs qui seraient plus près de la mer, et d’autre part à cause de l’engouement pour les bains de mer.
Cependant, un frein majeur à ce développement vient des moustiques qui rendent la vie impossible en ce lieu entouré de marais. Pour assainir, la municipalité décide de planter rive droite des pins maritimes et des tamaris. Ces derniers donneront leur nom à ce nouveau quartier : La Tamarissière. En parallèle, deux phares sont installés à l’extrémité des jetées (il en existait déjà un sur l’îlot de Brescou). Et les jours de brouillard, c’est une corne à manivelle que faisait sonner le gardien. Pour faciliter l’entrée des bateaux dans le grau, un cabestan avait été installé sur l’une des jetées. Une aussière envoyée du bateau y était enroulée et c’est à la force des bras que le navire était halé dans le fleuve. Ensuite, tiré par des chevaux, il était remorqué jusqu’à Agde. Bref, le grau se développa, le tourisme devenant progressivement aussi important que la pêche.
Aujourd’hui, un bel équilibre s’est établi : l’activité touristique est tirée par la station voisine du Cap d’Agde et les chalutiers entrent toujours dans le fleuve avec leur panache de goélands.
Le site de Notre-Dame-du-Grau mérite le détour. C’est un lieu de culte depuis le VIe siècle quand Saint Sever, venu de Syrie, y fonda son ermitage qui, plus tard, devint couvent.
De retour près du fleuve, on passe devant l’ancienne maison des pilotes, au coin de la rue (bien nommée) du Lamanage. C’est la première construction bâtie au Grau. En s’approchant de l’embouchure, on remarque les deux bateaux qui proposent une traversée du fleuve. Il y a deux passeurs au Grau d’Agde qui poursuivent cette tradition depuis plusieurs générations. Pendant de nombreuses années, c’est à la rame que l’on fit franchir le cours d’eau. Aujourd’hui évidemment, le moteur a remplacé les bras.
À vol d’oiseau, 3 petits milles séparent l’embouchure de l’Hérault de l’entrée du port du Cap d’Agde. En bateau, il faut contourner Brescou par l’est, le passage entre l’îlot et la terre étant très fortement déconseillé à cause des hauts fonds.

Nous longeons le fort édifié en 1586 sous Richelieu, afin de protéger le grand port de guerre que le cardinal avait décidé d’implanter au Cap. On sait que le projet avorta. Détruit en 1632, l’ouvrage fut reconstruit en 1680. Un petit môle permet de débarquer si le tirant d’eau l’autorise. Le fort contourné, il suffit de parer le rocher isolé de la Lauze, signalé de nuit par un feu vert, avant d’entrer dans le port du Cap d’Agde.

Le Cap d’Agde est né de la mission Racine. La station s’est développée sur un site isolé où seules quelques constructions existaient, dans le quartier du Vieux Cap. Les travaux débutent en 1969 sous l’autorité de Jean Lecouteur. L’idée directrice est ici de reproduire l’architecture des villages languedociens par des quartiers bâtis autour du port de plaisance.
L’un des plus beaux points de vue se situe à la pointe du cap lui-même. De là, les falaises de basalte noir qui plongent dans la mer offrent un spectacle réellement étonnant. La plage de la Grande Conque couverte de sable noir est tout autant remarquable.
Derrière nous s’étend la station nouvelle, mais c’est l’escalier qui mène à la plage de la Grande Conque que nous allons prendre. Les gravillons de couleur noire arrachés à la roche se mêlent au sable clair et quelques bois flottés rappellent le dernier coup de mer. J’aime m’assoir face à la mer, adossé à la falaise qui me coupe du monde, et je regarde ces enfants qui pataugent et courent de rochers en rochers, se construisant leurs souvenirs d’enfance.
De retour sur le cap, je regarde à nouveau Brescou et la sortie du port. Il est finalement curieux de constater que la jetée Richelieu abrite quand même un grand port, même si ce n’est pas vraiment celui auquel pensait le Cardinal…
A suivre…