Leucate (du grec Leukos, blanc), c’est avant tout un cap et une falaise. Nous la parcourrons un peu plus tard. En attendant, nous voici au village.
Situé à quelques kilomètres à l’intérieur des terres, il est bâti à l’abri du château, édifié pour contribuer à la ligne de défense de la frontière espagnole toute proche. En pleines guerres de religion, il est attaqué par des Espagnols, alliés du duc de Joyeuse. Le gouverneur de la place ayant été fait prisonnier, sa femme Françoise de Cezelly organise la résistance et tient tête à l’envahisseur, devenant ainsi une figure de l’histoire leucatoise.
Non loin du château se trouve le cimetière. C’est là qu’est enterré Henry de Monfreid, l’écrivain-navigateur-aventurier né à La Franqui, de l’autre côté de la falaise et ayant bâti sa réputation le long des cotes de la Mer Rouge. Port-Leucate se dresse tout à côté. Œuvre des architectes Candilis et Duplay, la station est sortie des sables en même temps que sa voisine du Barcarès.

Leucate, c’est enfin un étang et depuis la fin des années cinquante, des ostréiculteurs. Une trentaine d’exploitants se partagent
en effet les soixante-quatre concessions de quatre tables, produisant quelque 800 tonnes d’huîtres par an.
Une petite route conduit sur la falaise, au phare et au sémaphore. De là, l’horizon s’étend des Albères jusqu’au Cap d’Agde. Des estivants descendent à la Plagette pour se baigner près des rochers. Là, quelques bateaux venus des ports voisins sont souvent au mouillage. On suivra les sentiers balisés qui, le long des murets de pierres sèches, parcourent la falaise et amènent jusqu’à la Redoute de la Haute-Franqui, dernier représentant des cinq forts construits au XVIIIe siècle pour lutter contre les pirates. Le point de vue vaut le détour : la vue sur les plages infinies du golfe du Lion, les Corbières, la montagne de la Clape et au loin les monts de l’Espinouse d’un côté ; les Pyrénées et la côte Vermeille de l’autre. Quand le vent n’y souffle pas avec vigueur (si, si, ça arrive…), c’est l’un des plus beaux panoramas du littoral. Lorsqu’on longe la falaise en bateau, on est surpris par la faible profondeur. En effet, comparé au cap Béar où le sondeur indique rapidement 60 mètres de fond, il n’affiche ici qu’une dizaine de mètres. En fait, la falaise semble posée sur le sable.
Un peu plus loin, le cap des Frères, avec son rocher de la Sorcière, annonce l’anse de La Franqui (commune de Leucate), petite station balnéaire oubliée des programmes de développement du littoral. D’où le charme désuet qu’elle a su garder, malgré les constructions nouvelles de ces dernières années. Au pied de la barre rocheuse se dressent des maisons bientôt centenaires, non loin de l’ancien établissement de bains de mer. À mi-falaise se trouve la Villa Amélie (du nom de la mère d’Henry de Monfreid), l’une des plus belles du bourg et qui fut longtemps propriété de la famille.

À partir de Leucate ou La Franqui, on suivra une départementale qui en longeant l’étang, nous conduira à La Palme. Le bourg, construit autour d’un ancien prieuré, est un peu en retrait. Son église du XIIIe siècle, sa tour de l’Horloge et ses portes fortifiées témoignent de son passé. Des vestiges du mur d’enceinte rappellent que pour ces villages côtiers, se protéger était une absolue nécessité.
La route se poursuit vers Port-la-Nouvelle, en passant au pied du cap Romarin. Un peu plus loin se situe le domaine de Jugnes. À l’intérieur de la propriété viticole, abrité dans un bâtiment, un squelette de baleine est exposé aux visiteurs. Cette histoire étonnante commence en 1989 quand le cétacé vient s’échouer sur la plage, ce qui se produit régulièrement sur notre côte. Patiemment, Jean-Louis Fabre déplace l’animal de plusieurs tonnes, morceau par morceau, jusque chez lui. Un par un, il nettoie les os du squelette qu’il remonte minutieusement. Il décide alors de proposer des visites au public. Et c’est par milliers que depuis, les curieux sont venus entendre l’histoire de la baleine et du vigneron.
Voici enfin Port-la-Nouvelle. Le long des quais, il n’est pas rare de voir un céréalier charger directement une cargaison depuis le silo voisin. Un peu plus loin, les chalutiers se tiennent prêts pour leur prochaine sortie. Au bout du chenal, un pont empêche les voiliers d’aller plus loin, sauf à démâter. Derrière s’ouvre l’étang de Bages-Sigean, véritable petite mer intérieure, tandis que de l’autre côté, le canal de la Robine permet d’accéder à l’immense réseau des Voies Navigables de France.
Port-la-Nouvelle est une ville relativement récente. C’est tout d’abord un grau, celui qui permet depuis des siècles aux bateaux de commerce d’accéder à l’étang de Bages-Sigean dans lequel se trouvaient les avant-ports narbonnais. Un projet de môle est envisagé dès le milieu du XVe siècle. On incite alors les capitaines des navires entrant dans le chenal à se débarrasser de leur lest avant d’arriver dans l’étang. Ce sont ces matériaux de récupération qui constituent l’ébauche des premières protections. Il faut attendre le début du XVIe siècle pour que deux véritables jetées consolident le grau et le prolongent vers la mer. Au bout de ces quais, les premières maisons vont surgir vers l’actuel Canalet. Puis ce sont des entrepôts qui sortiront de terre. Les marins de Gruissan et de Sigean prendront l’habitude d’y laisser leurs tartanes de commerce. Enfin, la navigation dans l’étang de Bages-Sigean devenant de plus en plus aléatoire, les navires s’arrêteront peu à peu à La Nouvelle. Voilà comment un simple grau canalisé devient un port. Ensuite, tout s’accélère. La Nouvelle accède au rang de commune en 1844. L’activité portuaire étant dynamisée par la conquête de l’Algérie, la population augmente rapidement et atteint 2 500 personnes en 1900. Les photographies et les cartes postales anciennes témoignent de la vitalité de cette période : trois-mâts, vapeurs et même sous-marins sont alignés le long des quais, où ils côtoient les barques catalanes utilisées pour la pêche.
D’après un relevé des bateaux marchands relâchant dans le port, c’est en 1892 que le nombre d’unités à moteurs dépasse celui des navires à voile. À quelques années du changement de siècle, la marine bascule aussi dans une autre époque.
Aujourd’hui, La Nouvelle est avant tout un port de commerce, comme Sète ou Port-Vendres. C’est même, comme le proclame le site officiel http://www.port-la-nouvelle.com/ le 3ème port français de Méditerranée, le 2ème pour l’importation des produits pétroliers et le 1er pour l’exportation des céréales. Tous les métiers inhérents à l’activité d’un grand port de commerce sont présents : grutiers, pilotes, lamaneurs (corporation chargée d’amarrer les bateaux). Enfin le Seaman’s club est une association qui accueille les marins en escale et leur propose différents services.
En 2014, la capitainerie a enregistré 277 navires (soit un total de 1 785 426 tonnes). Près de 60% du fret est constitué par l’importation de produits pétroliers, 24% par l’exportation de céréales provenant essentiellement du Lauragais et expédiées vers l’Italie, la Grèce et surtout les pays du Maghreb.

Les dimensions maximales des navires sont 145 mètres de long, 22 mètres de large et 8 mètres de tirant d’eau. Au-delà, les pétroliers s’amarrent aux coffres situés en face du port, au terminal pétrolier de pleine mer. Leur cargaison est déchargée grâce à un tuyau posé au fond de la mer (le sea-line) dont l’extrémité est remontée et connectée au navire. L’opération de déchargement peut alors durer soixante-douze heures, ce qui explique pourquoi des navires restent parfois plusieurs jours à l’entrée du port.
En 2011 a été signé le projet d’extension du port. Un nouveau bassin permettra de recevoir des navires ayant jusqu’à 14,50 mètres de tirant d’eau, offrant ainsi la possibilité d’accueillir des bâtiments en provenance d’Amérique ou d’Asie. Le développement du port en sera transformé. Le paysage aussi. Le développement économique (nécessaire) peut-il être compatible avec la préservation des espaces naturels (indispensables) ? C’est une intéressante question sur laquelle nous reviendrons.
Projet d’extension de Port-la-Nouvelle
(source : http://www.port-la-nouvelle.com/)