Voiles du Bassin de Thau : quand les vieux gréements subliment l’étang

En ces temps incertains, rien de tel qu’une bonne évasion en un lieu du littoral préservé de l’appétit insatiable des promoteurs immobiliers. Si l’on y rajoute le bonheur de voir évoluer sur l’eau ces vieilles coques aux couleurs chamarrées, une bonne dose de convivialité, le sourire des participants et l’émerveillement des enfants, on se dit qu’il aurait été dommage de rater l’édition 2023 de Voiles Du Bassin de Thau.

Pour cette 5ème rencontre (la première ayant eu lieu en 2016), l’association créée pour organiser l’évènement proposait d’aimables navigations entre Mèze, Bouzigues et Sète (chantier de la Plagette). S’il fallut s’adapter aux conditions de vent, élément qui reste dans le monde de la voile l’ultime maitre de cérémonie, cela n’empêcha pas la flottille de tirer de jolis bords dans l’étang avant de partager chaque soir quelques heureux moments de convivialité.

L’objectif affiché de l’association est de proposer un moment culturel, patrimonial, ouvert à tous, écoresponsable dans la gestion de l’évènement, solidaire et permettant aux forces vives du Bassin de Thau et à ses habitants de se retrouver pour partager des moments privilégiés.

Pour y parvenir, plusieurs associations se sont mobilisées : les Amis du musée de l’étang de Thau, les Voiles Latines de l’étang de Thau, les Voiles Latines de Sète (chantier de la Plagette), Siloé (association de vieux gréements et chantier naval d’insertion situé au Grau-du-Roi). Sous l’impulsion de Christian Dorques, figure emblématique du patrimoine maritime de l’étang et de Clotilde, cheville (cassée !) ouvrière de l’organisation, les objectifs sont largement atteints.

Gueules de marins

En effet, soixante-cinq embarcations s’étaient donné rendez-vous sur les plages et les ports de Mèze et Bouzigues. Si une partie d’entre elles naviguent habituellement dans l’étang, certaines, venues par la mer depuis Palavas, le pays catalan (Argelès) ou le Grau-du-Roi avaient dû passer les ponts de Sète pour pénétrer dans le Bassin. D’autres enfin étaient arrivées sur remorque depuis Montpellier, Saint-Chamas (étang de Berre) et même d’horizons plus lointains comme le lac du Bourget dans les Alpes ou celui de Pareloup dans l’Aveyron. Quant à la jonque qui était là, on ne jurera pas qu’elle avait fait spécialement le déplacement depuis l’Asie du sud-est…

Chaque matin, un joyeux désordre règne sur la plage où les yeux fatigués par la soirée de la veille, les équipages s’interpellent, se chambrent gentiment, hissent les voiles et s’entraident pour la mise à l’eau. Charles venu en voisin de Marseillan s’active sur sa Gazelle des Sables ; Marc, de Montpellier hisse les voiles sur Helau, qu’il a lui-même construit sur plan et sur lequel il a passé la nuit, une voile faisant office de toile de tente ; Jacques et Maja de l’étang de Berre poussent à l’eau leur Bay Raider 20 du chantier Gallois Swallow Boats… Pour les canots voile-aviron, on se déhale de la plage en tirant sur les rames. Les plus légers profitent du moindre souffle pour filer vers le large tandis que les grosses unités (catalanes, sardinier, jonque…) sortent du port voisin. Sur l’eau, pendant que certains pestent contre cette drisse qui s’est fort malheureusement coincée et qui vaudra quelques quolibets le soir à l’heure de l’apéro, la flottille gagne le large. Et bientôt, c’est une nuée de voiles multicolores qui forment un tableau pointilliste de toute beauté.

Valentine, de l’association Siloe (Grau-du-Roi)

Ces passionnés qui consacrent beaucoup d’énergie à l’entretien de leur embarcation ont tous en commun un goût prononcé pour le patrimoine maritime, la farouche volonté de le faire vivre en naviguant et le désir de le faire connaitre en participant à des rassemblements où le public peut s’approcher des bateaux quand ils sont sur les plages. Pour Christian Dorques qui a commencé une thèse sur les enjeux culturels et linguistiques dans le projet de développement territorial du Bassin de Thau, un tel évènement est avant tout fédérateur, car il permet de mobiliser les forces vives de l’étang autour de ces rencontres. Attaché à l’idée de transmission, il insiste aussi sur l’importance de sensibiliser à ces techniques traditionnelles les jeunes générations.

Christian Dorques et sa barque Mont Saint-Clair

Un moment fort de ces journées fut la criée solidaire au profit de SOS Méditerranée, association citoyenne de sauvetage en mer et qui a pour but de secourir ces naufragés entre les côtes libyenne et italienne. Animée de façon magistrale par Claude Delsol, artiste aux multiples facettes qui sut emporter le public avec humour et poésie, elle permit de récolter près de mille euros qui furent remis séance tenante aux bénévoles de l’ONG.

La criée solidaire

Et chaque soir, un banquet digne de celui d’Astérix réunit les participants sous les étoiles vers lesquelles montent les rires, les discussions et les chants occitans.

Une occasion aussi pour le public nombreux qui s’est pressé sur les plages pour assister à ce spectacle insolite de redécouvrir Mèze et Bouzigues en flânant dans les ruelles, en se baladant sur le port et en dégustant quelques huitres arrosées d’un Picpoul de Pinet.

Prochain rendez-vous : en 2025. A ne manquer sous aucun prétexte !


4 réflexions sur “Voiles du Bassin de Thau : quand les vieux gréements subliment l’étang

  1. Encore un reportage formidable de Hervé qui contribue à nous convaincre, s’il en était besoin, de la beauté, de la richesse et de la convivialité de cette magnifique région du golfe du Lion, bravo et merci.

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