Vous recherchez sur notre littoral une plage sauvage, où l’on ne s’entasse pas les uns sur les autres même en plein été ? Marcher un peu pour gagner le paradis ne vous fait pas peur ?
En cherchant bien, le promeneur curieux saura bien en dénicher quelques-unes. Bienvenue aujourd’hui à la plage du Rouet, entre La Franqui et Port-la-Nouvelle.
Il y a plusieurs façons d’y accéder ; pour ma part, c’est depuis Port-la-Nouvelle que je m’y suis rendu. Tout au sud de la ville, j’ai un peu tourné en rond avant de trouver le Chemin des Vignes pour sortir de l’agglomération. J’ai alors suivi cette allée sinueuse qui serpente entre vignobles et marécages. Après avoir parcouru quelques kilomètres, la route longe de petites parcelles sur lesquelles ont été bâties des cabanes, lieux de villégiatures estivales, posées à l’écart du monde. Parfois, un pin parasol a été planté sur le terrain et l’on imagine les siestes ou parties de pétanque que son ombre peut abriter. La mer est là, à quelques centaines de mètres, derrière les marécages.
Bientôt, la route devient piste, puis se perd sur la plage. C’est là qu’il faut laisser la voiture. Les plus courageux marcheront le long de l’eau. Plus on s’éloigne du parking et plus la densité d’occupation diminue. Lorsque vous estimez que la distance avec vos plus proches voisins est raisonnable, il est temps de planter le parasol. La plage est à vous.
En ce mois de novembre, la question ne se pose pas. Les presque dix kilomètres de grève entre Port-la-Nouvelle et La Franqui sont quasiment déserts. J’ai laissé la voiture près du chemin de fer et je parcours à pied les huit cents mètres qui me séparent du rivage.
La piste suit à travers les marécages un canal rectiligne qui sert à alimenter en eau de mer les salins situés juste derrière. Arrivé au rivage, le canal se prolonge par un ponton en bois d’une quarantaine de mètres de long qui s’enfonce dans la mer pour assurer la prise d’eau.
De part et d’autre, la plage déroule sur son étroit lido son long ruban de sable qui s’étire entre mer et marécages. Au loin vers le nord, la jetée de Port-la-Nouvelle barre l’horizon. Au sud, c’est la falaise de Leucate sur laquelle butte le rivage.
Dans le lointain, les Albères dessinent leur courbe sinueuse. Quant au Canigou, il se reflète sur les eaux de l’étang tout proche.
Nature sauvage, tranquillité, sérénité.
Pourtant, la mer n’est pas toujours si paisible qu’en ce jour et elle joue parfois de vilains tours aux bateaux qui s’y risquent.
Les 12 et 13 novembre 1999 eut lieu un épisode méditerranéen aux conséquences dramatiques. Dans le département de l’Aude, les inondations firent 26 victimes. Mais quelques heures plus tôt, c’est en mer qu’un drame se jouait. La tempête de vent de sud-est, avec des rafales enregistrées à 130 km/h, leva ce jour-là des vagues de 6 à 7 mètres. Plusieurs cargos se trouvaient alors au mouillage face à Port-la-Nouvelle. Trois d’entre eux rompirent leurs amarres et furent projetés sur la côte. Le Danube Voyager, vraquier de 115 mètres se retrouva sur la plage face aux salins de La Palme. L’Arvin, céréalier russe s’échoua au sud des jetées du port. Quant au Simba, cargo mixte venu de Casablanca pour charger 3000 tonnes de maïs, il fut entrainé sur la terre ferme. Lorsque la mer se retira, après cet épisode qui couta la vie à un marin Ukrainien emporté par une vague, le Simba était à sec et on pouvait en faire le tour à pied.
Si les deux premiers purent être déséchoués assez rapidement, il n’en fut pas de même pour ce dernier qui resta sur place plusieurs mois. Les marins, abandonnés à leur sort par leur armateur Géorgien furent pris en charge par des bénévoles de Port-la-Nouvelle. Pour sortir le navire de là, des moyens colossaux furent mis en œuvre, dont une pompe capable d’aspirer jusqu’à 500 m3 de sédiment par heure. Le sable fut ainsi retiré tout autour du bateau.
C’est là qu’intervint le Mérou. Ce remorqueur d’intervention appartient à la société Abeilles International, fondée pour assurer des remorquages dans les conditions les plus difficiles. Basé à Toulon, le Mérou commence son opération le vendredi 21 avril et parvient à faire pivoter le navire pour le tourner vers le large. A cause de ses 5,5 mètres de tirant d’eau, il doit se tenir à distance. Il parvient quand même à sortir le Simba de la plage, mais un banc de sable stoppe l’opération. Le lendemain, le navire retrouve enfin la haute mer, cinq mois après son échouement. Il prend alors la direction de Sète où il arrive le lendemain. Abandonné par son armateur, le Simba est saisi par l’état et sera vendu aux enchères. Le coût de l’intervention se montera à 2,7 millions de francs, représentant environ 600 000 € d’aujourd’hui.
Mais cette histoire eut une autre conséquence. La mobilisation des bénévoles venant au secours des marins abandonnés par leur armateur déboucha quelques années plus tard sur la création du Seamen’s club de Port-la-Nouvelle, auquel nous avons consacré un article en juin 2019. Depuis, ce foyer du marin, rattaché à la Mission de la mer de Port-la-Nouvelle (organisme d’assistance lié à l’église catholique), apporte un soutien quotidien aux marins en escale. Une autre façon de manifester la solidarité des gens de mer.
Alors quand vous irez vous ressourcer sur la belle plage du Rouet, ayez aussi une pensée pour le Simba et ses marins abandonnés.
Très belle histoire, Hervé, ravivant des souvenirs professionnels forts !
Amicalement.
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Merci Vincent pour ce témoignage ! Amitiés…
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Cette plage s’appelle aussi la plage des Coussoules côté La Franqui . J’y passe tous mes étés depuis 1973 et c’est le paradis sur terre!
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Merci pour cette précision ; la plage du Rouet est en effet entourée par la plage des Montilles à La Nouvelle et celle des Coussoules à La Franqui. Ce sont ces trois plages qui forment cette bande de sable de plus de 8 km…
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La mer peut être très méchante et surprendre des navires à lège même au mouillage d’attente .Merci pour ce rappel .
En poursuivant le chemin des vignes après Lapalme il.y avait une guinguette appelles « le paradis » tenue par une maîtresse femme qui avait reçu une équipe de tournage en son temps dont Belmondo dont les portraits trônait aux murs de la paillotte
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Merci pour votre témoignage et ces souvenirs qui remontent…
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