Les routes maritimes méditerranéennes ont vu passer depuis l’antiquité des commerçants, des pèlerins, des conquérants. Elles ont aussi toujours été sillonnées par des populations chassées de chez elles ou fuyant la guerre, la misère ou les persécutions. De l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492 jusqu’aux tragiques traversées d’aujourd’hui entre Afrique et Italie, l’histoire de la mer intérieure est ponctuée de drames maritimes. Si celui de l’Exodus en est un parmi tant d’autres, il concerna à lui seul 4500 personnes, contribua d’une certaine façon à la naissance de l’état d’Israël et trouve son origine à Sète en juillet 1947. Voici son histoire.
Quelques éléments de contexte
A la fin du 19ème siècle, les pogroms perpétrés en Russie occasionnent la mort de centaines de juifs et engendrent une vague d’émigration. La montée des nationalismes et de l’antisémitisme qui gagne l’Europe au tournant du siècle (c’est là que se situe l’affaire Dreyfus en 1894) contribue à développer l’idée d’un état juif, dans lequel ces populations persécutées seraient enfin en sécurité.
Mais où installer cet état ? Si l’on évoque un temps la possibilité d’une implantation en Ouganda, au Kenya ou en Argentine, c’est la Palestine, contrée d’origine selon la tradition biblique qui sera choisie en 1905 par le mouvement sioniste. Progressivement, des juifs commencent à émigrer dans ce territoire qui est alors sous domination ottomane. Vint la première guerre mondiale. En 1917, le ministre britannique des affaires étrangères, Balfour, se prononce pour « l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Après la guerre, l’empire Ottoman est démantelé et la Palestine se retrouve sous mandat britannique. Dans les années qui suivent, l’antisémitisme grandissant en Europe ainsi que la montée du nazisme entrainent l’émigration des centaines de milliers de juifs vers la Palestine.
A la fin de la 2ème guerre mondiale durant laquelle près de six millions de juifs ont été assassinés, près de deux millions d’entre eux qui ont été déplacés et ont tout perdu refusent de regagner leur pays d’origine. Beaucoup vont tenter de gagner la Palestine, territoire où ils seraient enfin à l’abri. Mais le gouvernement britannique doit faire face à de nombreuses révoltes arabes dans ces contrées où il est toujours mandataire. Il décide donc d’y réduire drastiquement l’arrivée de nouveaux émigrés. Du fait du blocus opéré par les britanniques, les voyages de ces candidats au départ seront clandestins, organisés par les services secrets du mouvement sioniste.
C’est dans ce contexte que va s’écrire la dramatique épopée de l’Exodus.
L’odyssée de l’Exodus
Le 10 juillet 1947, 4554 personnes arrivées à Sète par camions embarquent à bord du President Warfield, amarré le long du Môle Saint-Louis. Ce navire construit par les chantiers Pusey and Jones en 1928 à Wilmington (Delaware), est initialement prévu pour embarquer quelques cinq cents passagers et bat à ce moment-là pavillon panaméen.
Photos internet – origine inconnue
Après quelques tergiversations, le gouvernement français l’autorise à quitter le quai, mais pas le port. Le navire appareille clandestinement pendant la nuit et gagne la haute mer. L’idée est alors de forcer le blocus imposé par la Grande-Bretagne et de débarquer les passagers en Palestine. La plupart d’entre eux sont rescapés de la Shoa, beaucoup sont originaire d’Europe centrale, de Russie et même de Sibérie.
Rapidement, le navire est pris en chasse et escorté par un bâtiment de la Royal Navy. Une fois dans les eaux internationales, le pavillon d’Israël est hissé en place de celui du Panama, le bateau est rebaptisé Exodus 1947 et prend la direction de Tel Aviv. L’arrivée est prévue le 17 juillet ; le navire doit s’échouer sur la plage, le plus près possible pour permettre la descente à terre des passagers. Mais ce sont désormais cinq destroyers britanniques qui encadrent le bateau. Arrivé dans les eaux palestiniennes, et refusant d’obéir aux ordres de l’escadre britannique, l’Exodus est abordé et pris d’assaut par les Marines de sa Majesté. Après un combat qui fera quelques dizaines de morts, le bateau passe aux mains des britanniques qui le conduisent à Haïfa.
Là, les passagers sont transférés dans trois autres bâtiments qui prennent la direction de la France. Arrivés devant Port-de-Bouc, les passagers refusent de débarquer. Finalement, le 22 aout, la flottille lève l’ancre direction Hambourg, qui est alors dans la zone allemande sous contrôle britannique. Le débarquement dans le port situé dans l’embouchure de l’Elbe a lieu les 7, 8 et 9 septembre. Certains passagers refusent de débarquer, occasionnant des échauffourées. Finalement, les exilés sont tous conduits dans des camps par des convois ferroviaires de wagons prison. Comme ils font preuve de résistance passive, ils sont par répression mal nourris, mal habillés, pas chauffés.
Le parallèle avec les camps de concentration est évidemment établi par l’opinion internationale et crée une énorme émotion dans le monde entier. Elle contribue à ce que le gouvernement britannique remette son mandat de gestion de la Palestine aux Nations Unies, qui votent le 29 novembre 1947 le partage de la Palestine entre juifs et arabes.
Les réfugiés de l’Exodus finiront finalement par arriver tous en Palestine dans les mois qui suivent.
Quant au navire Exodus 1947, il fut détruit par un incendie dans le port d’Haïfa en août 1952.
Sur le môle de Sète, plusieurs plaques témoignent de ce tragique épisode.
le bateau était censé partir
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Un précédent a Sète, le bateau Sinaia qui embarque le 25 mai 1939 des réfugiés espagnols ( alors regroupés au camp du Barcares ) à destination de Veracruz ( ils sont environ 1500, et attendus par les autorités mexicaines , mais c’est une autre histoire d’exode). Je pense qu’une plaque déposée sur le mole St Louis commémore cet épisode
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Merci beaucoup Marie-Hélène pour cette information. Je vais creuser cet épisode… Bises
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Je ne savais pas que la Palestine avait été choisie comme terre de refuge avant la 1ere guerre mondiale. Merci Hervé
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Merci Hervé, récit très intéressant ! Quand je retournerai à Sète, j’irai voir cette plaque devant laquelle je suis sûrement passée sans m’y arrêter. Je connaissais l’histoire de l’Exodus, mais j’avais oublié que le bateau était parti de Sète !
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Merci pour ton mot Irène. Oui passe voir la plaque, c’est émouvant !
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